Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 2 – Les poèmes d’Alain Minod :2-15 : Paris 10 mars 2018 Alain Minod Quand les marronniers roussissant sourient A l’ivre circulation sur le fleuve de la place Ma ville s’abreuve de son ciel gris Mais les voix ici rayonnent et déglacent De leurs conversations qui rient Un soleil qui furtivement Lance un éclat D’ange Et je confonds ma joie qui ne ment Avec cet univers inconnu Que danse – décisif – Mon courage Qui s’épanche dans ma main Hésitante et nue Même si Ainsi Se fabrique une écriture de dilettante Et ma musique se dégage Des pas hâtifs Exténués De ratures J’entends danser les gammes D’une femme tendre Qui sourit à Mes vers – Me lançant ainsi au travers Du ventre de Paris Sous les cendres des nuées Et je renais encore Avec des mots de corps et de chair Qui portent ma peau A l’incandescence D’un cher amour D’aventure Tenue au Futur L’automne est tiède Mon étonnement cède A la nature et ses tropes Où m’emportent Les veines De fleurs lointaines Me poussant Au seuil Du ciel Au cœur d’une trouée d’azur Roué d’infini En sang L’heure est sableuse Elle coule – hâle et enchaîne Une houle de petits Bonheurs Qui sont des opales Aux passades Lumineuses Qui creusent mon cœur parmi La foule des Passants Ö Vénérable Paris ! Suis-je indécent ? Ne suis-je pas trop hâbleur A taire les voix Qui – dans leur concert Devraient me rendre Moins disert Ah ! Laisser vibrer la soie Comme d’un sari enjôleur Se plisser sur les cuisses D’une reine comme d’Alice Chantant les venues des dieux A son éden hanté par Un aède capricieux Qui voudrait Tenter D’accueillir avec le désir Les soleils des banlieues !… O Rince tes yeux et tes oreilles Rince le grand Paris Jusque dans La veille Et que ton cri modulé Ne soit plus esseulé Que la reine S’essaye encore au soleil Pour notre rêne ainsi Désillée Ce poème fortement centré sur le « Je » (ma ville – je confonds – ma joie – Mon courage – ma main – ma musique – J’entends – Mes vers – me lançant- je renais – mon étonnement -m’emportent- me poussant – mon cœur – suis-je indécent ? – ne suis-je pas trop hâbleur – me rendre moins désert …) nous révèle, pour la première fois chez son auteur qui nous paraissait souvent mal à l’aise dans l’espace urbain , un moi équilibré et euphorique, en accord total avec son environnement immédiat (Ma ville – Paris : citée deux fois) ainsi qu’avec l’univers ( L’automne est tiède/ Mon étonnement cède/ A la nature et ses tropes/ Où m’emportent/Les veines/ De fleurs lointaines/ Me poussant/Au seuil/ Du ciel/ Au cœur d’une trouée d’azur/Roué d’infini).Ce qui en fait un personnage lyrique au sens où l’entend Georg Lukács (1885 – 1971). Et ce lyrisme s’exprime à travers le poème de deux manières qui se complètent l’une l’autre : la fierté d’appartenir à ce milieu et le bonheur d’y vivre (Une houle de petits/Bonheurs/ Qui sont des opales / Aux passades/ Lumineuses /Qui creusent mon cœur parmi/ La foule des /Passants) et le plaisir de s’adonner à l’écriture poétique (J’entends danser les gammes / D’une femme tendre/ Qui sourit à/ Mes vers – Me lançant ainsi au travers/ Du ventre de Paris – Mon courage/ Qui s’épanche dans ma main/ Hésitante et nue/ Même si /Ainsi /Se fabrique une écriture de dilettante). Ainsi nous sommes très loin de ce que ressentait Paul Verlaine (1844-1896) dans cette même ville et dont il a fait état dans son fameux poème « Les Embarras de Paris »: Tout conspire à la fois à troubler mon repos, Et je me plains ici du moindre de mes maux : Car à peine les coqs, commençant leur ramage Auront de cris aigus frappés le voisinage Mais bien notre poète ne nous ait pas habitués à ce genre d’état d’âme, cela ne doit nullement nous étonner, car l’attachement au territoire demeure une constante instinctive chez tous les individus. Et le plus important chez tout vrai poète est la constance de son style d’écriture, car c’est là où réside sa singularité. Ce qui s’applique pleinement à ce poète dont le style est basé, dans tous ses écrits sans exception, sur l’accumulation des connotations et des sens symboliques presque au niveau de chaque vocable. Ce qui constitue une véritable source d’attrait pour les assoiffés de belle poésie ! 2018-03-10 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet