Un bouquet de poèmes sur le 8 mars de Fatima Maaouia –poète tuniso-algérienne –Tunis

Fatima Maaouia

En grande tenue d’apparat

La grande farce du 8 mars continue ici et lâ

 

Tiens, c’est quoi ça, les filles ?
Tous ces vœux qui tombent en poussières
Alors que la journée
Enjouée
Des femmes ajournées
Toute l’année
N’est même pas finie ?
On a mis
Pourtant une fois encore le 8 mars au menu

Même que sur le poitrail
Quelques femmes on attrapé une médaille
Méritée..et aux joues
De gros bisous

Mais d’ère en ère …
Et les autres hirondelles et abeilles ??

Rougissantes alors d’émotion
Le poing brandissant en l’air
Le trophée de guerre
Or
Ou métal
P’tit air coquin et sourire en coin :
“C’est pour votre bien !”

En général
On n’en croit rien
On n’est pas bête à ce point
Non parce que boue et lourds métaux
Grippent toujours vos mains et genoux
Mais surtout
Parce que pour monter si haut
À de rares exceptions
Elles l’ont fait sur votre dos

Que tombent sphinx
Éléphants, idoles et citadelles
Qui font commerce d’elles !

Car d’ère en ère …
Hérités
Préjugés et inégalités séculaires
Constatées :

Salaire
Héritage
Responsabilités

D’âge en âge
Pour elles… au rabais coupés menus
Continuent …en grande tenue

Fêtes

 

Ces fêtes sans queue ni tête
Qui, en fait
N’ont d’autres profondeurs
Et de quête
En dehors
Du premier sillon d’or
Germe recroquevillé
Que celles de rappeler
Le chapelet
De plaies appuyées
De peurs
De toujours
Et de sanglots
Sous papier cadeau
D’un jour

La fête à l’arbre, à l’enfant, à la femme enfant et à l’oiseau
Qui cuit
Cui cui

“Le bel aux lois dormant »

Pendant qu’ici et là
Le 8 mars :”BEL AUX LOIS DORMANT”
Journée
Où l’on voit,
En grand …

Plus la journée
Des femmes
Au front montant
Que les femmes
Aux abois

Approche à grands pas,
Où aboie
Une montagne
De questions brûlantes en Suspens

Et où, brûlant de tout bois
Et lui battant les flancs
Chèques en blanc
Et impayés
Aux vastes vasques
De ses basques…
Débordant
De la bouche du temps …

De chais en chais..

Haut perchés
Sur échasses, quilles et talons aiguilles
Jambes, en fait trop ankylosées
Par la rouille des faits
Pour baliser
Enfin
Le terrain
Biaisé
Aux filles…

De lieu en lieu et des plus fameux!
Les États, promesses creuses et serments fumeux
Yeux obstinément baissés
Sur le vermoulu de leur pantalon baissé
Marchent sur des œufs

Parce que au nom du ciel !
Repêcher
Les femmes, revoir sa copie, marcher pour elles
c’est… Péché ??

Coupées en 8

Tous ces vœux …
Pieux sur pieds
Fleurs de l’espoir
Poussiéreux et vieux
A qui s’adressent-ils ?

À celles
Yeux
Noirs ou bleus
Qui chancellent
Où le khôl beurre noir
Ruisselle?

À celles
Qu’une simple cuite
Qui ne dure qu’une minute
Coupe en 8 ?

À celles
Face au mur
Qui étranglent souffle, hurlements, sifflements, et soupçon de murmure ?

À celles
Qui jouent encore à la poupée …
Que l’uppercut n’a pas loupé
Et dont le sein treille
De lait rouge tressaille et ruisselle ?

À celles
Qu’on coince et pince
Dans la rue, un bureau, un ascenseur ?

À celles
Dont on célèbre avec des fleurs
L’herbe coupée sous les pieds
Et les pieds, dés coupés
Au foyer, au travail ?

À celles
Nues
Sans ressources, sans travail
Et sans revenus
Qui se prostituent
À celles
Folles
Mendiantes
Ambulantes ?

À celle
Sur laquelle
On passe la crise de l’économie
La crise de nerfs… de la vie
Avec un nerf de bœuf ?

A celles…
Dont en partage
De façon inégalitaire l’héritage
Du nid

Et de façon égalitaire
Le mari
Avec 3 ou 4 souris ?

À Celles
En cas de grave maladie
Jetée à la rue
Have et nue
Avec ses petits?

À toutes celles
Qu’on brûle et tue
Pour refus
De porter un tissu
Blême oriflamme
Importé sur le crâne ?

A partir de maintenant
Les filles, je vous le dis
Les garçons aussi…
Car, ici la gangrène est générale
Opération chirurgicale
Et bistouri requis !

Sachez
Que tant qu’on déchire encore l’âme
Au cutter
D’une seule femme
Lumière
Dont vous êtes dépositaires
Vous ne valez même pas le sachet
Où tant bien que mal
Une fois l’an
On emballe votre mal

 

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