Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor : 2 – Les poèmes d’Alain Minod : 2 -9- La peau du ciel urbain 21 février 2018 Alain Minod Le froid – ce fer blanc Dans nos chairs endurcies Colle à la peau du ciel L’aurore pliera-t-elle avec lui ? Elle vient poudroyer de chaux Le noir voile des toits Alors le froid S’allège Sur ces biseaux de la pierre … C’est miel aux pigeons C’est tourte d’azur sur les dents friandes Où se serrent les murs De notre ville Frissonnante Revenus du silence Où nous avait plongés la nuit Nous remontons la rumeur fauve A la barbe des nuages Indécis Nous plumons ce qui reste Des ailes d’anges de l’aube où planait La courbe descendante De nos songes Indécidable est ce temps de la vacance Et d’une interminable lenteur Est l’allure du soleil Pour sortir sur L’avenue Il cligne de ses yeux de velours or Comme en des spasmes Entre ses paupières Mon chien d’encre court à sa volée Quand il le capte entrain D’incendier les deux Seuls arbres Dénudés On le voit maintenant Canonner ses éclats sur la vitre Mais – lâchement – Sur la place encore inconquise – Les nuées frisent en Filet d’ombres Alors le roi fait son travail : Il les plombe sur La Marianne Eveillée Dure république du dimanche Où valsent tous les cortèges de cour Dans un ciel abandonné par Le paradis D’ailleurs … : Quelque misère Aux lèvres des avenues Chuchote comme Des injures Contre Ce temps litigieux Ici un chant informe Insulte le silence qui buvait à la bolée Le lait frais coulant de l’horizon Tout a blanchi et les cordes du soleil Sont déjà usées par Les manèges De cour Il n’y a plus de roi Mais qui l’attendait ? Les nuées sont à vif Elles ont conquis Le pauvre Eden Et c’est La ville abandonnée Au lointain encore étincelant Pourtant le bruit court Que le chaos réglé des fauves automobiles – S’étant estompé de la république Du dimanche – L’horizon serait à prendre Dans l’hiver proche … Enfin … Peut-être Est-ce mon Chien d’encre Qui me souffle Cette rumeur Tombée d’une égale grisaille Nous voici encore une fois devant un texte poétique d’un auteur acquis aux idées novatrices de l’avant-garde littéraire française basées sur le principe de l’expérimentation qui consiste à écrire des vers ou des textes narratifs ou théâtraux en l’absence de tout modèle, par l’éclatement des règles traditionnelles, l’abolition des frontières entre les genres, les arts et les écoles et la multiplication des stratégies de l’écriture et des angles de perspective. Ce qui se constate clairement dans ce long poème placé sous le surtitre” Écriture et poésie ” et où l’idée maîtresse qui a présidé sa conception est la notion de réification ( ou chosification ) née de la sensation de déshumanisation de l’Homme dans un environnement urbain de plus en plus congestionné et étouffant. Partant de ce noyau sémantique bien déterminé et dans le cadre de sa propre ville, Paris ,le poète a généré une multitude d’images qui se distribuent sur deux axes sémantiques principaux formant une dualité charnière : contrariant / contrarié dont le premier terme englobe tous les gènes et toutes les incommodités occasionnés par le milieu urbain à ses habitants tel que le ressent le poète et le second les sensations désagréables éprouvées suite à ces contraintes .En plus de cette grande division opérée dans l’ensemble du texte , le terme “contrariant” a été conçu lui aussi sous la forme d’une dualité : nature dominée /artificialité dominante , connotant l’inefficacité de l’action des éléments naturels ( soleil, aube …) sur l’inertie, l’exigüité et l’immobilité de l’espace urbain engendrées par l’extension du béton .L’ensemble de ces images donnent de la ville et de la vie qui y est menée une vision glaçante . Côté style, ce poème vaut surtout par ses flots d’images, pour le plupart inédites, générées les unes des autres et qui se suivent à un rythme effréné tout au long du texte ,ce qui en dit long sur les capacités imaginations de ce poète . 2018-02-21 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet