Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :2-Les poèmes d’Alain Minod :2-8 :Les voix sur la voix des femmes

Alain Minod

 

Elles cinglent sur l’océan du cœur

Leurs voix d’amour – suzeraines

 

Elles déplacent les signes

Et ripent par-dessus

La sécheresse

Des temps

Pour toucher

L’inattendu réel

 

Et leurs feux sur la rampe

Où fusent les nouveautés –

Emportent tout cœur

Serré par l’oubli

 

Car éveillant les rêves –

Elles offrent mille histoires

Pour un passé à

Renaître

Elles l’enflamment

En quelques paroles

Au dessin de soleil rieur

 

Le gris du ciel – lui-même –

Est dans ce soleil ivre

De tant d’accords

Rivés à leurs

Corps –

Qu’ils stupéfient

L’âme des amoureux transis …

 

Tant a été chanté :

« …/…Avenir de l’homme »

Qu’elles ensorcellent son destin …

Plus de destin

Mais la palpitation

Jusqu’à leurs lèvres –

Du soupir pour un avenir …

Mais elles moissonnent de secrets

Baisers lancés au terreau fécond

D’où toujours elles partent

Comme d’un charme qu’elles

Accrochent au chevet

De l’homme qui

Attend cette

Moitié du

Ciel

 

Un charme sur le champ

Des batailles :

Un raccourci de femme

Pour y importer

La paix

Sans phare

Ni héros translucide

 

Ce sont elles qui éclairent

Si elles n’imitent rien

De la puissance

Virile –

Si elles ne rentrent pas

Dans les cours des

« Palais grognards »

Ni non plus

Aux conseils des princes

Ni même dans

La cuisine des

Pouvoirs …

 

Prises par un lever impétueux –

Elles édifient dans

Les tempêtes –

Multipliant

Traces de

Grâce

Comme un alcool

Que l’on ne peut

Que humer  –

Et à distance des carrefours

Où hurlent les porteurs

D’incendies

 

Qui tente de rendre leur beauté

Aux vitrines des rhéteurs

Les viole ou les

Prostitue

Et qui s’accroche à elles

Pour les mettre en devanture

De ses privilèges – comme

Lumière aphrodisiaque –

Vole et viole

Ce charme avec

Son secret

Sans pouvoir le réduire

 

Et – sauf dans cette « parité » des places –

Où le pouvoir – seul –  gagne

Dans une moire

Recouvrant

Son miroir

Narcissique et voyeur –

Le maintien de son ordre dominateur –

Sauf dans cette complicité –

Elles débordent

Toute élection

De leurs beautés

En soif de

Liberté

 

Pour tant de corps

Affichés en  vedettes –

Pas une seule étoile ne brille

En partage d’âmes et

De pensées –

Extincteurs des voix qui charment :

Vous les voyez : vos femmes

Grimaçant de haine –

Elles qui ont

Intériorisé

Jusqu’à

Vos sourires condescendants

De mépris pour

Les pauvres et

Les sans-droits

 

Mais le feu fébrile et généreux

Des voix qui chantent

Et ont chanté

En les accompagnant :

Les rebuts et les rejetons

De la misère –

Vous le voyez et le verrez encore

O hommes libres qui

N’arpentez pas

Les chemins de

La pesanteur –

Mais ceux

De la grâce dans

Les sillons fertiles où

Vos mains rencontrent les leurs

Et les serrent en

Un même poing

Pour danser

Avec

Ces haleuses du grand

Train de passeuses

De pas –

Ils seront vôtres aussi

Si vous ne les

Enchaînez pas

A des marches vers

Les maisons du

Pouvoir et

Si vous continuez à

Entendre leurs

Voix

 

Ce nouveau poème d’Alain Minod  va nous éclairer encore plus sur ce que les avant-gardistes ont appelé “expérimentation” et “écriture” . Le premier terme veut dire l’écriture en l’absence de  tout modèle,ce qui est théoriquement l’innovation dans son sens absolu et idéal. Quant au second , il désigne  une pratique linguistique  qui fait fi de toutes les règles rhétoriques et stylistiques ainsi que  de toute typologie des genres littéraires .,ce qui a  pratiquement pour effet d’ouvrir la langue sur des galaxies de significations nouvelles qui dépasseraient les capacités imaginatives de l’être humain. Le point de départ qui est l’idée charnière est toujours clair voire commun comme on le voit dans ce poème  qui n’est qu’un hommage à la femme par l’exaltation de l’effet charmeur  et magique de la  voix féminine   et que pourrait  rendre n’importe quel poète. Mais une fois cette idée est retenue , son traitement se fait sans le recours à aucun mode d’exécution préétabli  , exactement comme s’est pris l’auteur ici , en rassemblant un grand nombre de formes sous lesquelles s’exprime cet effet  (cinglent sur l’océan du cœur leurs voix d’amour, suzeraines – déplacent les signes et ripent par-dessus la sécheresse des temps pour toucher l’inattendu réel – emportent tout cœur serré par l’oubli – enflamment en quelques paroles au dessin de soleil rieur le gris du ciel – lui-même – ensorcellent son destin – édifient dans les tempêtes –multipliant traces de grâce…etc…etc… ) . Cette démarche a été renforcée ,  dans la deuxième partie du poème,  par des directifs adressés aux hommes sous formes d’avertissements et de conseils  afin de  préserver la femme de toute souillure , de ne jamais toucher à sa liberté et surtout de l’écouter  (si vous ne les enchaînez pas à des marches vers les maisons du pouvoir et si vous continuez à entendre leurs voix ). Et encore une fois, si l’ossature de l’édifice du poème est bien posée, la langue , au niveau des détails et tout au long du texte ,  foisonne de connotations et de sens seconds , ce qui donne au lecteur l’impression de voyager dans un univers de rêves . Un poème bien réussi qui mérite une très bonne mention !

 

 

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