Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor (1) :les poèmes de Jocelyne Mouriesse:1-2 : Dissidence d’écumes 28 janvier 2018 Jocelyne Mouriesse Tout le poème Voyage en lui Son sable est dense Houle intérieure D’un désert volubile Et si la langue se fait vague Le visage s’y lance Rime avec amertume Rame contre un filet D’ici danse D’écumes Comme dans mon commentaire du mini-poème précédent de notre amie poète de l’autre bout du monde , j’irai sans aucun doute , encore une fois , dans la direction opposée à celle que s’est tracée l’auteure dans son esprit, sans que cela veuille nécessairement dire que son interprétation est juste et que la mienne est fausse, vu que malentendu qui nous oppose découle du fait qu’elle parle du « vouloir dire » alors que le critique ne traite qu’avec ce qui a été dit effectivement . Pour espérer déchiffrer ce mystérieux mini-texte plein à craquer de signes à première vue impénétrables , faisons appel à deux notions : celles d’acte locutoire du philosophe anglais John Austin et d’isotopie du sémanticien franco-lituanien Algirdas Grémas . Vu sous ces deux angles , le texte paraît être composé de deux niveaux : le premier est celui de l’acte locutoire c.à.d. ce qui a été exactement dit par l’auteure et le second est celui de l’acte illocutoire qui comporte ce qui pourrait bien être dit en relation avec le contexte dans lequel il a été écrit ( le milieu maritime de la Martinique ) . Au premier niveau , le poème est composé de deux principales isotopies opposées : l’une regroupe les termes liés à la mer (sable – vague – rame – filet – écumes ) et l’autre les mots relatifs au désert (sable – désert ) .La première isotopie a été assujettie à la deuxième par l’emprunt d’images maritimes au profit du désert .Et cette subordination a été décidée dès le début, en mettent en évidence ce « lui « (Tout le poème voyage en lui) .Et ce lui ne peut être la mer, du fait que ce mot est au féminin ( A remarquer qu’en arabe nous trouvons l’inverse :le mot « mer » étant au masculin alors que le mot « désert » est au féminin ) .Néanmoins , ce lui ne peut être , d’un autre côté, le désert parce qu’il a un intérieur et une activité poétique ( une houle intérieure et le poème le traverse ) .Il ne peut donc être qu’un homme et plus précisément un poète de désert pareil aux poètes de la péninsule arabique à l’époque préislamique .Et la particularité de ce poète est que ses dons lui permettent de se créer comme par enchantement un langage poétique aussi vivant , fécond et riche que la mer , tout en étant installé dans son milieu natal désertique (la langue se fait vague – rame contre un filet d’ici danse d’écumes ) .Et cette dissidence que l’auteure place au titre, pour la mettre en évidence , résulte du long voyage qu’entreprennent ces écumes lancées par la locutrice à partir de son monde maritime jusqu’au désert de ce poète .Voila tout ce que j’ai pu tirer de ce deuxième mini-poème en attendant l’avis de mon sorcier chauve ! 2018-01-28 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet