Trois nouveaux poèmes de Fatima Maaouia –poétesse tuniso-algérienne –Tunis

Fatima Maaouia

 

Vive le fisc !

 

Vive le fisc 
Je paie mes impôts 
Jusqu’au dernier sou,
En raclant comme il se doit
Le fond du pot renâclant …
Quitte à ce qu’il me morde les doigts de froid
S’il le faut….

Ça va plutôt vite
Car dans la noire cavité de la cahute
A Ali Baba…
Ni brut, ni or, 
De Pérou ou Panama
Y dort.

Vive l’électricité ! Belle Amphore 
Qui luit dans la nuit, Miss Fée anti-cécité
Des hommes et cités 
Dont la facture reste au travers du gosier
Maltraité…
O, vipère !
Dont l’œil aspic 
Brûle, pique
Et ceinture 
La nature
Le courant ne passe guère,
Je préfère régler sans commentaire
Vous m’êtes si nécessaire
Mais vous n’y allez pas du bec de la cuillère !

Vive le robinet 
Qui met à sec 
D’un coup de bec !
Sa note salée, coulant comme sirop
N’est pas de mon goût
Je lave et panse
En silence 
Le trou bée, pendu abîme
A mon budget sans rime
Bois le calice et règle sans mot
Sa note sanglot
A Dame des Eaux.

Vive l’Assurance
Elle m’enfonce !
Je paie sans risque 
La Multirisques 
Aléas et maux.
La police vie m’ôte la vie
Et les avenants.
Franchement, 
Qui trouve ça avenant?

Je paie le gaz
Qui m’écrase

Le téléphone 
Qui m’affole et aphone

La vignette ?
Qui me muette !

Le sabot
Qui me K.O

Vide à tout bout de champs
Sans anicroche 
Mes poches 
Sans chant
Pour honorer sans délai
Rançon, taxes location
Frais délectation, injonctions
Sommations cautions
Intérêts et principal,
Créance, prêts, dettes et arrérages..
Jusqu’au privilège de regarder défiler
A la pâle
Télé
Leurre, mensonge, peste, choléra, rage 
Horreur et images sans intérêt !

Bientôt, outre taxes voyage
Et péage…

Faudra payer le droit de voir le paysage
Le droit de dire Non !
Le droit de porter son nom 
Pendant un an
D’avoir son esprit, 
Et ses dents à cinquante ans
D’être sain et bien portant 
D’arriver à la retraite
D’avoir encore sa tête…
Pour ingurgiter un bol d’oxygène
Devant sa porte
Faudra à tout prix 
Qu’une facture décollant l’ADN
Des veines
Emporte son prix !

Rubis 
Sur ongle 
Bien verni
Payer 
Un semblant d’ombre 
Durant l’été

L’usure de la chaussée de la vie
Hallucinée 
De sorties inopinées…
Occasionnées 
Par des semelles trop impatientes, jarret…
Sans arrêt
Tenté de forcer les frontières de la planète
En cognant à l’aveuglette…

Le prix du terrain au cimetière 
Sera cher
Au regard de la paix enfin gagnée 
Au boulevard des allongés
Pour côtoyer nu comme un ver
Ses congénères.

…La tête me tourne
L’employeur réclame ristourne ;

Ouvrant avec peine la paupière;;;
Alourdie de sommeil:
“A boire!”
Le cimetière,
A corps et à cris
Conteste le prix 
De la tombe: sit-in incapable de servir à rien

En vue
D’échapper au barbecue
Et au mal
De l’enfer…en général, 
De plus en plus éprouvé sur terre

Zieuter les couloirs 
Du paradis
Ecouter en paix grésiller les chairs

Du côté de l’enfer 
Pavé de ses pairs, coupables du travers
De ne pas avoir payé comptant
La vie de consistant
En sonnantes et trébuchantes lumières

Faut encore soudoyer les diables et cerbères

Pour être nutritif
Le paradis,
Organisation internationale à buts non lucratifs
Hors de prix… 
Exige ticket du marché noir ;
Fin de l’histoire..

Sauve qui peut!

 

Sauve qui peut!
Qui peut me prêter ses yeux
Un moment, 
Me tracter et m’aider un peu
A localiser dans la voie lactée 
Les moutons, les moutons …

Traqués, 
Enguirlandés, je les voyais tantôt

Pourtant, 
Gambadant, trottinant;..
Sur leurs pattes fines
Motte de henné au front
Du romarin dans la narine…

ils étaient tellement mignons
Jouant à saute moutons
Les moutons
Servant de doudoune, de nounou et de nounours 
Aux enfants…
Je vois bien la Grande Ourse 
Là haut, 
Parmi les étoiles 
Mais aucun petit mouton…

Ils ont pris les voiles…
Les moutons
Jouant à saute moutons

Les moutons, les moutons
Gambadant, trottinant;
Motte de henné au front
Botte de romarin dans la narine…
On les a roulé dans la farine…

Frappés d’un sommeil de plomb
Profond
Suite à jeux malicieux 
De fleurets en feu 
Et lames lisses

Leur épaule roulée aux épices
Est un délice…

Je les voyais tantôt
Blancs, sombres et beaux
Soubresaut tressautant
Secoués de sanglots
Sous le couteau… trait sautant
Je les voyais tantôt

Leur cou glisse sous les dents du couteau
Sans…leur petit trot et bêlement 
De sang bêtement moutonnanteww6

Les moutons, les moutons …
Transcendant le temps
Après un dernier baiser
ils sont passés outre mont
Au paradis emportant 
Entre leurs dents de lait
La dernière gorgée d’eau0a
Les brins herbe et foin 
Dans les coins
Du gosier

De leur peine
De leur sang
Dégoulinant 
En grand
Sur les plaines…
Ils tapissent l’horizon à table
Qui sent bon 
Édredons 
De laine 
Et étable

Ma plume vaine
A la Verlaine
Qui saigne
Lisse à quatre pattes avec peine 
Lisse et peigne
Leurs plaies vilaines
Qui rechignent 
A la naphtaline

Le Couteau

 

 

Persil, citron, fleurs,
Menthe et céleri viennent du jardin
Planté de mes mains
Nappe de la friperie du coin 
Le reste avec mon cœur…
Du reste …taquin 
Et imprévisible en diable,

Diable !

Le couteau sanguinaire
Amateur de chair
N’a pas raté la cuisinière !

Danger !
Il ne me vient pas pour rien 
D’Alger

Algérie 
Brûlure nostalgie

Je te dois quoi
Encore? T’as même pas de roi 
Ou de jasmin 
Comme tes voisins 
Dont certains politiciens
Sans destin
En vertu de je ne sais quels desseins
Nient même…
Être tes voisins 
En dépit de la mitoyenneté 
Des veines, des montagnes et des plaines
Citoyenneté 
Hors d’haleine
Empêtrée dans les mêmes peines…

A croire que tu leur en bouches un coin 
Ou enlèves à la bouche le pain

Ça te fait marrer, hein ?
Ce n’est pas mon cas

Tu ne m’as rien fait?

Et ces coups de couteau, alors ?
Plus d’un million de martyrs ne t’ont pas suffit
Sans compter les milliers de morts
Après?

En tout cas
Tu ne feras de moi ton en-cas

Le droit de sol
Du pétrole?
Et alors? Drôle de contrôle?

J’enregistre 
Encore 
Qu’aucune loi
Ne te donne le droit
A aucun titre 
De toucher à mon corps 
A ma liberté ou à ma foi
Ni de faire en sorte

Dès que je touche un morceau de toi

Que le sang en fleuves affleure en moi …

Regarde mon doigt !

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