Un soir avec Rimbaud :Texte en prose de Mohamed Bouhouch –Tozeur –Tunisie 29 avril 2017 Mohamed Bouhouch Mon corps est un souffle, je suis hors de tout cadre spatio-temporel, Maintenant, je suis au Cabaret-vert*1 à Charleroi*2 Je m’assois là où Rimbaud s’est assis,*3 Un certain soir, vers dix-sept heures. Ruiné et abimé avant d’être soûl, J’ai rejoint les âmes perdues dans les tourmentes et chanté en présence de mes compagnons : (Nous avons bu à la mémoire du Bien-aimé un vin avec lequel nous sommes enivrés avant la création de la vigne) *4 J’ai crié au nom de tous les Démons de la poésie Et au nom du Saint- Esprit, Que les âmes soient mes compagnons . Rimbaud est apparu devant moi comme une ombre ; Aveuglé par le voyage paradisiaque, Il s’agenouille devant moi comme un esclave abyssinien Et dit : « C’est mon recueil « les Illuminations” Et ma «Saison en enfer ». *5 Ce sont mes messages et mes mensonges, Jette-les tous dans la rivière ou dans le feu de la joie ! » J’ai riposté : « je ne jette rien ! Dors à poings fermés, et repose-toi ! lui dis-je ; Les créateurs veilleront sur ton œuvre Et elle fera l’objet d’une querelle incessante !” *6 nous nous sommes disputés, puis réconciliés… Après avoir bu de sa rivière Je l’ai incité à s’exprimer. Il m’a avoué : « Je suis un monstre noir dans l’inconnu, Je me suis brûlé par les feux des soleils verts, J’ai cherché dans le palimpseste du connu, l’inconnu, Je me suis perdu et ma vision s’est éclatée. Je l’ai interrogé : « As-tu connu la vraie poésie? » « Elle est venue d’une chambre close et secrète… Semblable aux feuilles douces flottant dans les cieux lointains! » Je lui ai, alors, demandé: « Comment reconnaissez-vous la vraie poésie? Il m’a dit : « Par le sixième sens, ou par l’adorât, je jette mon bâton et mon œil pour découvrir les choses, j’écris avec le nez , Je saisis la nuit pour découvrir le jour.. Alors, j’ai reconnu que: « Le poète est un prophète Qui bascule dans l’inconnu… », « Un poussin qui sort de l’œuf, Il puise son bonheur à sa douleur, Étourdi par la vie Il vole grâce à ses petites ailes, Puis, il tombe sur terre, se brûle et meurt Semblable au Phénix. »…dit-il… D’un mouvement imperceptible, Le poète passe ébloui dans le silence de la nuit. —————————————————- 1-Le Cabaret-vert: Titre d’un poème écrit par Arthur Rimbaud en 1870 dans le même lieu où il s’est assis un soir. 2-Charleroi: une ville en Belgique. 3- Référence au poète français Arthur Rimbaud 1854/1891 4-Un vers d’Omar Ibn el Faredh ( poète arabe ancien 1181 -1235) 5- Référence aux recueils « Les illuminations » et « Une saison en enfer” d’Arthur Rimbaud. 6- Vers d’Abou El Tayeb El-Mutanabi (poète arabe ancien 915 -965 ). 2017-04-29 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet