Libère-moi de mon corps par : Ali Ghazi – Baghdâd –Irak 15 octobre 2016 (1) J’aime tes doigts sur mon corps J’aime que tu me façonnes comme un morceau de Meißen* Que tu fasses de moi une loupe difficile à croire (2) La cigarette est féminine Le poème est l’appel d’une créature féminine Une idée éclate tout d’un coup Je ramasse des choses innommables (3) Je suis un mélange de liquides Je coule comme l’eau sur ton corps J’absorbe toute la température Je m’évapore Laissant l’idée de l’incarnation S’éloigner comme un souvenir (4) Moi et toi Nous percerons plusieurs trous dans le brouillard Desquels nous ferons tourner de nouveau les idées à tour de rôle Et nous écouterons les voix de la Terre Celui qui restera de nous deux Conservera l’ombre de l’autre (5) De toute chose ayant un nom, tu as une consonne Et ta dernière consonne Se perd parmi les choses n’ayant pas de noms (6) Une branche tombe d’un arbre Elle s’enfuit en courant Elle bute contre une idée Qui se tenait debout toute perplexe (7) Toujours je t’envoie des lettres Tu te transformes avec le temps En un giron d’une mère sans enfants * Meißen :porcelaine précieuse de Saxe Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor : L’inspiration artistique demeure l’un des phénomènes les plus mystérieux et les plus fascinants .Et la preuve en est que, selon les témoignages de plusieurs auteurs de grandes œuvres picturales, musicales, littéraires connues à l’échelle mondiale , les idées maîtresses desquelles ils les ont générées naquirent dans leur esprit spontanément et d’une façon totalement inattendue, comme s’ils les ont reçues d’une source super intelligente mais inconnue. Pour cette raison, je me passionne toujours pour les témoignages que livrent les poètes sur ce phénomène bien que que leur discours soit imagé et plein de symboles et nullement raisonné et scientifique. Dans ce poème, l’auteur nous fait part des remous bouleversants qui se produisent dans son intérieur au moment où il se trouve sous l’emprise de l’inspiration. Deux manifestations importantes de ce phénomène peuvent être déduites de son témoignage : la première concerne sa nature même qui le fait s’apparenter à une source de sensations extrêmement troublantes qui l’envahissent brusquement et s’emparent de lui, mais tout en lui procurant un plaisir étrange ressemblant vaguement à la volupté sexuelle ( J’aime tes doigts sur mon corps ) mais sans l’être vraiment, d’où l’assimilation qu’il fait du poème (le mot « qasida » est féminin en arabe) à un être féminin supérieur possédant des pouvoirs supra-humains (J’aime que tu me façonnes comme un morceau de Meißen*/Que tu fasses de moi une loupe difficile à croire ). La deuxième manifestation est l’auto-identification par le poète à des liquides évaporables possédant le caractère de volatilité qui lui permet de se répandre dans l’espace (Je suis un mélange de liquides/Je coule comme l’eau sur ton corps/ J’absorbe toute la température/Je m’évapore) et d’acquérir ainsi une nature plus libre que celle à laquelle le réduit le corps humain. Néanmoins , ces sensations indescriptibles en termes scientifiques ne sont ressenties qu’au moment de l’inspiration, car en son absence le poète, voire l’artiste en général retombe au rang des communs mortels. Un poème saisissant par ses images déroutantes et l’atmosphère mystérieuse qui s’en dégage. Partager ! 2016-10-15 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet