La Cité est une énigme par : Mohamed Ammar Chaabnia-Métlaoui – Tunisie 14 septembre 2016 Mohamed Ammar Chaabnia La Cité est une énigme Qui suscite l’inquiétude de notre présent Elle serpente comme les vipères. Ses quartiers s’assoient sur la queue Comme des chiens Au dessus du paysage à répétition. Comme si la ruine Est le sein d’une mère stérile ! Ce qui ne s’oppose point A la sincérité d’une réponse logique Est que lorsque la terre a fécondé Sous cette cité Et s’est revêtue d’herbe Elle n’a pas quitté sa faiblesse et sa famine. Et le plus déconcertant Est qu’elle ne récompense pas par l’amour Ses adorateurs Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor : Mohamed Ammar Chaabnia, le poète dont je suis le parcours depuis le début des années soixante-dix, est aujourd’hui l’une des voix poétiques les plus dignes de respect en Tunisie .Après avoir fait ses débuts au sein du groupe engagé dit des « Les poètes miniers », sa poésie , tout en conservant ses thèmes militants initiaux , a acquis, au cours des années quatre-vingt-dix, deux nouvelles dimensions : l’une esthétique, en privilégiant le discours évocateur et suggestif, au détriment du discours idéologique sec ,conscientisant ou exhortant la foule et l’autre est universaliste et humaniste . Ce poème appartient à une série qu’il a consacrée à la « révolution tunisienne » qui était, en réalité, un mouvement spontané, très considérable de jeunes chômeurs et de marginaux sans direction ni programme qui a éclaté en décembre 2010 pour protester contre la misère et l’exclusion et la réclamation du travail et de la dignité puis il a fait tache d’huile dans plusieurs pays arabes, entraînant dans chaque pays qu’il atteint l’effondrement de l’économie et la mort de plusieurs milliers de citoyens sans que les peuples de ces pays aient vu, par la suite, leur situation s’améliorer ou les prémisses de jours meilleurs poindre à l’horizon. Et étant donné que le poète a vu dans ce mouvement , les premiers jours de son éclatement, un soulèvement populaire visant l’établissement d’un état socialiste ( et au même moment les islamistes y avaient vu une révolution religieuse pour la mise en place d’un état religieux ,le califat) , il n’a pas tardé à exprimer son désenchantement devant l’absence de mesures pour le développement des régions défavorisées , l’élévation du taux du chômage , la marginalisation des écrivains et des artistes, la montée du terrorisme, l’intensification de la contrebande ,la prolifération de l’économie parallèle etc…ce qui a eu pour résultat l’enrichissement encore plus des riches et l’appauvrissement des pauvres De ce désenchantement qui constitue le noyau sémantique du poème, l’auteur a généré un symbole charnière, celui de la Cité (la Tunisie) qui a laissé passer une chance inespérée (lorsque la terre a fécondé sous cette cité et s’est revêtue d’herbe elle n’a pas quitté sa faiblesse et sa famine) pour accéder au rang de la Cité idéale où règnent prospérité, liberté, égalité et justice. Bien plus, elle était d’une ingratitude stupéfiante à l’égard de ceux qui l’aiment (elle ne récompense pas par l’amour ses adorateurs) .Et du coup , elle met ses habitants dans un état de crainte quant à leur devenir et de terreur de ce qui pourrait leur advenir à tout moment (la Cité est une énigme qui suscite l’inquiétude de notre présent). Stylistiquement, la construction du poème sur l’image symbolique centrale de la cité a permis de l’étoffer ,tout au long du texte , par le biais de la comparaison, de nombreuses images secondaires appartenant à d’autres différents champs (elle serpente comme les vipères – ses quartiers s’assoient sur la queue comme des chiens ). Enfin, si Mohamed Ammar Chaabnia s’est vu décerner en 2011 le prix du meilleur poème sur la « révolution » , le voici qui écrit sur elle l’une des meilleures élégies. 2016-09-14 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet