Ma mémoire s’enfuit de moi par :Rachel Chidiac – Beyrouth -Liban 12 septembre 2016 Rachel Chidiac Ma mémoire s’enfuit de moi Gît endormie entre tes côtes, Quémande au jasmin un brin de parfum. Une mélodie de vie me parvient Avec les ariettes de l’aveu. Je brise à mon profit le roupillon de l’élan. Un résidu de féminité tressaillit en moi Pareil à des débris sur lesquels Ont été imprimées les blessures. J’appuie ma tête sur l’accoudoir du chemin J’attends … Une aube aux brises de soie approche. Je ferme les paupières. Je m’enfuis vers lui telle une fillette. Sur les lèvres un sourire éclot pour une larme. Là-bas dans les ombres de mes plaines Il y a un bout de spectre. Un soupir pareil à la mélodie d’une flûte Chatouille mes souffles. Viendras-tu à l’aube ? Je t’en conjure ! Dis-moi : Comment pourrais-tu être Parfois un débris blessant de l’éloignement Et parfois un baume pour ma blessure ? Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor : Etant le préfacier du premier recueil de cette poétesse intitulé Excuse-moi paru à Beyrouth en 2010 et l’auteur d’une longue étude sur ce même recueil publiée la même année, en plus de notre suivi régulier de ses publications depuis près de quatre ans,lequel a été couronné par la composition d’un livre sur sa poésie paru cette année (2016) dans la collection”Figures poétiques du monde”, tentons, dès le début, de résumer très brièvement son expérience poétique afin d’aider le lecteur à y situer ce nouveau poème. La plupart , si ce n’est la totalité, des écrits de cette auteure, qu’ils soient en poésie ou en prose, gravitent autour du thème de l’amour platonique unique , fusionnel et permanent, consolidé par une foi chrétienne inébranlable qui conçoit la relation homme/femme comme une union pour le meilleur et pour le pire sur terre puis éternelle après la mort .Ce qui s’exprime souvent au biais du procédé de l’implant (ma mémoire s’enfuit de moi,gît tout endormie entre tes côtes). Néanmoins le caractère spirituel profond de cet amour n’empêche pas de jouir du plaisir sensuel légal et dans certaines mesures que procure le contact avec la deuxième moitié . Ce qui le démarque à la fois de l’amour charnel proprement dit et de l’amour spirituel pur. Une deuxième caractéristique de cet amour est qu’il s’inscrit dans un mouvement général et absolu auquel participent toutes les créatures de l’univers, du fait qu’il constituerait l’essence même de cet univers et de l’existence qu’il abrite , d’oû le recours fréquent à la convocation des éléments naturels ( quémande au jasmin un brin de parfum- une aube aux brises de soie approche ) .Cependant en raison de la faiblesse de la créature humaine, cet amour sublime et idéalisé n’est jamais à l’abri des hauts et des bas relationnels, d’où l’assombrissement parfois de ses horizons par des heurts et des signes d’incompréhension passagers ( pareil à des débris sur lesquels ont été imprimées les blessures – là-bas dans les ombres de mes plaines – ma blessure – comment pourrais-tu être Parfois un débris blessant de l’éloignement .Et c’est justement ce côté humain ambigu et insaisissable qui constitue le charme de l’amour (sur les lèvres un sourire éclot pour une larme – comment pourrais-tu être parfois un débris pour l’éloignement et parfois un baume pour ma blessure ? – sur les lèvres un sourire éclot pour une larme). Au niveau du style, la nature particulière de la scène décrite a exigé l’emploi des deux tons lyrique et euphorique souvent entremêlés : le premier pour l’exaltation du moi (un résidu de féminité tressaillit en moi ) et le second pour exprimer la joie et le bonheur voire l’extase ressentis par la locutrice (une mélodie de vie me parvient avec les ariettes de l’aveu – un soupir pareil à la mélodie d’un flûte chatouille mes souffles ).Un texte typique portant l’empreinte singulière de son auteure, finement organisé aux deux niveaux formel et sémantique, en dépit de la fluidité des sentiments qui le traversent de bout en bout. 2016-09-12 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet