Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :7- Les poèmes de Mokhtar El Amraoui :7-1 : Paysages de mépris 18 mai 2016 Mokhtar El Amraoui Tu supportes les coups qui t’accablent Et les symphonies folles des loups. Aussi nu que le fer, Tu dévores la rouille. Fragile comme le ver, Sous un éclair, Tu marches, chantes et danses Sur la terre qui tourne Et que tu retournes Dans sa rondeur pleine d’eau, De sève, de pétrole, De fer, d’or, De cuivre et d’acier. Purs minerais, Immenses trésors Enfouis dans sa chaleur. Terre accroupie Aux tresses d’asphalte, Ô rondeur charitable ! Ô terre aveugle ! Tu sens, tu caresses, Tu te réveilles et te couches, En serrant les mains misérables Des misères de ceux qui te travaillent. Ô rondeur charitable ! Ô terre aveugle ! Ne les reconnais-tu pas, ces mains ? Pour toi, tous les doigts se ressemblent. Mais il y a les mains des voleurs Qui volent tout Et ne laissent rien A ceux qui te connaissent, Chantent, dansent et suent Sur tes flots flancs d’amour terrestre et chaud. Ô rondeur charitable ! Ô terre aveugle ! A ceux qui te donnent rendez-vous, Chaque jour, chaque nuit, Chaque siècle et toujours. A ceux qui, pour toi, ont le dos courbé, Tes fruits doux sont défendus. Dans ce poème,le poète tunisien Mokhatar El Amraoui aborde le thème toujours d’actualité des contradictions existant dans le domaine agraire entre travailleurs exploités et propriétaires exploitants .Ce qui le classe évidemment dans le genre engagé et nous rappelle le grand poète tunisien feu Midani Ben Salah (1929 – 2006) qui était dans es années soixante le chef de file de tout un courant qui avait fait de la lutte contre ces inégalités son thème principal. Dans la première strophe de ce poème, le locuteur s’adresse à la deuxième personne du singulier masculin (….Tu marches, chantes et danses Sur la terre qui tourne…) sur un ton hymnique à un destinataire qui, si aucun indice ne permet jusque-là de connaître son identité, s’avèrera, dans la suite des vers, être l’homme du peuple et plus précieusement le travailleur de la terre, ce bûcheur honnête qui court inlassablement derrière son gagne-pain. Puis dans les deux strophes restantes, le discours s’adresse expressément sur un ton plein de reproche à la terre qui ne fait aucune différence entre ceux qui la travaillent sans profiter de ses richesses (Ô terre aveugle !/A ceux qui te donnent rendez-vous,/Chaque jour, chaque nuit,/Chaque siècle et toujours./A ceux qui, pour toi, ont le dos courbé,/Tes fruits doux sont défendus.)et ceux qui s’approprient les fruits du labeur de ces pauvres gens (Mais il y a les mains des voleurs/Qui volent tout/Et ne laissent rien/A ceux qui te connaissent,/Chantent, dansent et suent/Sur tes flots flancs d’amour terrestre et chaud.), se rangeant ainsi à côté des prolétaires et se dressant contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Et comme dans tous les poèmes de ce genre où le message est généralement clair et ne demande aucun effort d’interprétation, vu qu’il s’adresse théoriquement à un large auditoire, la style utilisé s’accorde avec l’objectif visé et ce, en deux points essentiels : l’amplification de la charge émotionnelle portée par les mots et l’oralité découlant du type de discours choisi .Un poème inspiré du réel vécu depuis des décennies en Tunisie et répondant parfaitement aux critères du genre . 2016-05-18 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet