Les archives des commentaires poétiques de Mohamed Salah Ben Amor :6 -Les poèmes de Solène de Lam : 6-5: Ma Révolution devint tout un symbole ! 22 avril 2016 Solène de Lam – Paris – France Ce matin mon palais a perdu ses éclats… Je suis partie furieuse, apeurée et inquiète – Voilà la rue aux fauves où le peuple me jette, Laissant ma chambre morte et dans un triste état. Mon lit est dévasté, et de mes nuits si folles Il ne restera rien si ce n’est mon portrait… Mes bijoux ont rejoint les erreurs du passé, Et ma Révolution devint tout un symbole ! Sur une île lointaine je règnerai encore, Les larmes sur mes joues et le sourire enfant, De n’être plus que reine perdue dans l’océan, Enrobée de nature et vêtue d’un drap d’or… Ce poème peut, certes, être lu en soi sans avoir besoin de faire appel à des données biographiques sur l’auteure ou son milieu ou sa philosophie de la vie mais si certaines de ces données sont pertinentes et bien choisies, elles pourront y apporter des éclairages plus précis. En effet, des mots comme « palais », « peuple », « reine »ou « révolution » prendront un sens particulier si on les met en relation avec la descendance aristocratique de cette poétesse parisienne, arrière-petite-fille d’une famille de l’ancienne noblesse française déchue par la révolution de 1789. Centré sur le »je » d’une locutrice ( une reine déchue ) et construit sur la dualité cause/effet : la cause étant une révolution populaire contre un régime monarchique et l’effet comprenant deux phases successives : une chute puis une fuite , le poème nous peint un tableau de l’état psychologique présent de celle qui parle .Et cet état est double : affectif et mental. Sur le plan émotionnel, si le bilan qui nous est présenté est largement négatif (furieuse, apeurée et inquiète- Les larmes sur mes joues) et concorde logiquement avec le thème choisi, le vocable « sourire enfant » qui fait apparemment ici fonction d’intrus pourra remettre en question cette constatation et inviter donc le lecteur à plus de réflexion, car il pourrait signifier l’approbation de tout ce qui s’était passé et la réjouissance du malheur de cette classe. Et les affects négatifs cités dans le poème n’auraient ainsi qu’un sens anti-phrastique. Au niveau mental, par contre, l’attitude de la locutrice qui est réfléchie et délibérée est bien claire : d’abord la reconnaissance que l’opulence dans laquelle vivait sa propre casse était illégitime (Mes bijoux ont rejoint les erreurs du passé), ensuite l’adhésion non seulement explicite à la révolution mais en l’écrivant avec un grand « R » (Et ma Révolution devint tout un symbole ! ). Et c’est ici que les données externes peuvent nous être utiles. En effet, connaissant de très près Solène depuis quelque années, je peux témoigner que cette poétesse déteste la somptuosité et l’apparat et aime vivre comme tous les gens du peuple. Bien plus, elle porte un sentiment aigu de culpabilité à l’égard de sa classe d’origine. Un poème court mais riche en symboles et élégamment écrit ! 2016-04-22 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet