Au banquet de la vie par : MONIQUE-MARIE IHRY-poétesse française – Montpelier – France 17 février 2016 MONIQUE-MARIE IHRY-poétesse française – Montpelier – France I J’ai à peine consommé au banquet de la vie Je n’ai point tout à fait mis fin à cette envie De m’éveiller chaque matin Dès le chant de l’aurore abreuvée d’espérance Emportée par les mots, oubliant ma souffrance Portée par mes rimes satin. Il sera toujours temps de replier mon aile Quand l’aube venue ma dernière chandelle Viendra en silence mourir Éteignant cet espoir qui animait mon âme M’emportant vers mon sort comme une vieille femme Que l’hiver soudain vient flétrir. II Je pars pour un voyage aux confins de la mort. Mes bagages sont prêts, je m’incline sur ce sort Que Satan lui-même m’impose. Je n’ai que trop vécu, souvenirs trop pesants, Des boulets que l’on traîne au désespoir des ans Imposant une vie morose. Le voyage sera court, je vais vers mon destin Il n’est plus de demain, je pars vers l’incertain Voguer sur l’onde du mystère Dans la brume du soir, où le soleil se meurt Où les jours sont des nuits, où règne la laideur Dans un antre crépusculaire. Nul besoin de bagage aux confins de la mort, Sur ce triste rivage, arrivée à bon port Satan me tendra une rose Aux épines dressées qui tacheront de sang Mon âme virginale, me livrant au croissant D’une faux affutée, éclose. III Adieu mes livres, mon crayon, mes cahiers Je dois abandonner tous les plaisirs premiers Qui édulcorèrent ma vie. Je ne verrai plus l’aube et sa douce senteur Ni la rosée des bois, son parfum enchanteur Enivrant ma lente survie. Adieu mon amour, mon amant, mon ami Dans le soir triomphant le soleil a faibli Et le jour se métamorphose. Dans l’affreux crépuscule la lune va mourant, Mon cœur au son du soir capitule, se rend Il est temps de faire une pause. Une pause bien longue empreinte de rancœur Un aller sans retour vers un monde sans fleur Où n’éclot que la verte épine Où l’aurore n’est que noire car le soleil n’est plus Où la vie est un leurre et les rêves superflus, Dans les cieux la mort assassine. IV Je n’ai rien consommé au banquet de la vie Et voilà que s’éteint mon élan de survie. Dans le silence de la nuit Ma dernière chandelle avorte au son du glas. Je ne reverrai plus au jardin les lilas, Ton sourire et le jour s’enfuit… Il est temps de partir, de replier mon aile Tel un oiseau blessé au gémissement frêle. J’abandonne ma plume aux vents Et me laisse emporter par le Diable et sa fougue Au mystère des cieux, les mains liées au joug De l’enfer, ses sables mouvants… © Monique-Marie Ihry – 9 septembre 2015 – (Extrait d’un recueil de poésie en cours d’écriture) Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor : Que s’est-il passé? Est-ce bien Monique-Marie Ihry qui a écrit ces vers ? Ou bien elle nous parle par la voix d’une autre ? Ou encore c’est elle qui les a écrits mais dans un moment passager de désespoir comme cela arrive à chacun d’entre nous ? Depuis quatre ans déjà, elle nous a habitués à afficher dans ses poèmes un bonheur sans nuage et un optimisme sans faille, s’abandonnant de toute son âme au plaisir de la vie et regardant l’avenir d’un œil serein et confiant. Mais voila que l’horizon s’obscurcit contre toute attente et l’univers tout entier se métamorphose en un lieu funèbre sur lequel pèse une atmosphère de deuil et de larmes ! Quoi qu’il en soit, ce poème montre à quel point le poète lyrique – Et Monique-Marie en est l’une des meilleures représentantes – est fragile et friable et il suffit d’un rien pour qu’il change d’un état à un autre tout à fait contraire, d’un accord harmonieux avec l’univers à une rupture totale avec lui comme on le constante dans le cas présent .Le grand poète tunisien de tous les temps Aboulkacem Chebbi ( 1909 -1934 )qui nous a gratifiés d’un bon nombre de poèmes reluisants dans lesquels il a chanté la vie ( le titre de son unique recueil portait justement le titre de Chants de la vie) n’-t-il pas écrit aussi ces vers tragiques sous l’effet d’un pressentiment de départ imminent ?: Calmez-vous ô blessures ! Taisez-vous ô chagrins ! L’époque des lamentations et le temps de la folie Sont révolus Le matin a point derrière les siècles Et le rugissement des eaux derrière les ténèbres Le matin et le printemps de la vie m’ont appelé Et leur appel m’a fait trembler le cœur Qu’il est irrésistible cet appel ! Il n’est plus question pour moi de rester dans ces lieux Adieu ! Adieu !Ô montagnes des tourments ! Ô défilés de l’enfer ! Ô collines de la tristesse ! Ma barque a pris le large dans les eaux profondes de l’océan J’ai levé la voile, adieu ! Adieu ! Mais si le contexte de l’énonciation est le même, Chebbi, à la différence de Monique-Marie, voit dans ce départ une délivrance du gouffre terrestre tandis qu’elle l’appréhende comme une perdition irréversible et que l’au-delà se réduit à ses yeux uniquement à l’Enfer. Cependant, connaissant parfaitement les caractéristiques de l’âme lyrique dont surtout le changement constant de l’humeur, nous ne serons point surpris de voir notre poétesse dans ses prochains écrits renouveler sa confiance en soi et en l’avenir et reprendre goût à la vie. Stylistiquement, ce poème, grâce au ton de sincérité dont il est empreint, à ses images finement fignolées et à ses sonorités bien rythmées a atteint comme la plupart de ceux qui l’ont précédé un haut degré de poéticité. 2016-02-17 Mohamed Salah Ben Amor Partager ! tweet