Il fera un froid arctique : par : Robert R L Lepage – poète canadien

Robert R L Lepage – poète canadien

Il fera un froid arctique
Moins trente et la maison tique
Le bois craque
Sortir dehors ! Vous êtes patraque !
Une déesse nordique sortit son nez de l’eau
Belle comme le jour nouveau
Affrontant une lune pleine
Lui disant, ici c’est moi qui mène…
Tu te dis glacial !
Moi je te crie, tel l’animal
Je ne te crains point
Mes rites ancestraux ne le sont point
Je viendrai suer
Sous ta lune éclatée
Sentir la morsure du froid
Me sentir, reine ou roi
Marcher dans cette neige qui craque sous les pieds
Se dénuder et plonger
Source thermale de la chaude terre
J’adore l’hiver !
Tu te dis glacial !/Moi je te crie, tel l’animal/
Je ne te crains point/Mes rites ancestraux ne le sont point

Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :
Nous revenons aujourd’hui au Canada après notre commentaire d’il y a quelques jours sur le dernier poème de notre amie la poétesse engagée Rolande Bergeron .Et c’est à une expérience poétique tout à fait différente que nous avons affaire cette fois : celle de notre ami Robert R Le Lepage dont les préoccupations sont exclusivement personnelles et subjectives ou presque.
Dans ce nouveau poème dont le thème est spécifiquement nordique, à savoir le grand attachement des habitants du Nord du globe au climat neigeux et glacial, du fait qu’ils s’y sont adaptés depuis des siècles ( Tu te dis glacial !/Moi je te crie, tel l’animal/Je ne te crains point/Mes rites ancestraux ne le sont point), au point où ils s’y sentent non seulement à l’aise mais ils éprouvent une extase indescriptible, contrairement aux peuples du Sud qui redoutent ce type de climat et ont mille peines à lui faire face.
Cependant, la sensation que ressent le poète dans cette atmosphère glaciale pourrait paraître, malgré tout, paradoxale, car le contraire n’est assurément pas vrai .Et la preuve en est qu’aucun des poètes arabes anciens qui vivaient dans un milieu saharien extrêmement chaud n’y avait éprouvé une sensation pareille. Bien au contraire, le tableau qu’ils avaient brossé de leur environnement est très désolant et ils s’y sentaient réellement mal à l’aise. De ce fait, si le nordique est naturellement adapté au climat froid , est-ce suffisant pour qu’il « se dénude « et « plonge » dans la neige comme le dit notre poète ? Serait-ce plutôt une sorte de penchant personnel ?
Côté style, le poème vaut surtout par son ton emphatique accentué qui accompagne le lecteur du premier jusqu’au dernier vers , ce qui a offert au poète l’occasion d’accumuler les hyperboles, et ce, pour atteindre deux objectifs : la description du froid glacial qui règne dans son environnement et l’état d’enchantement qu’il y ressent.
Un poème original sur le plan thématique, léger et plaisant à lire !