Poème du jour no 17 ( Nouvelle série ) :Le cœur au bout des doigts…par: Philippe Lemoine – poète français

149064_2952430147101_1364601653_n

Philippe Lemoine – poète français

attentats-paris-13-novembre-2015-696x465732344697_B975148809Z.1_20150330063641_000_GK8481VQH.2-0

 

Quand la parole prêche et la haine et la rage.
Lorsque la barbarie outrage nos couleurs,
Que d’un garrot, la bête étrangle nos valeurs,
Indicible l’horreur, s’inscrit en bout de page …
Sournois, de grands loups noirs émergent sur la route.
À l’horizon dérive un funeste linceul.
Dès lors, Il est trop tard pour éviter le deuil,
Déjà le vent se lève augurant la déroute…
De Paris à Tunis, aux quatre coins du monde,

Tout le long des trottoirs cheminent des corbillards ;
Géhenne a fait son nid dans les mains de l’immonde !…
Errance de mon cœur sur des châteaux de sable,
Sur ma joue, une larme aiguise son rasoir,
J’arpente les pavés mouillés du désespoir
Où s’abîme âprement l’horizon périssable…
Parmi les trépassés couchés sous les décombres,
Je cherche l’étincelle en regardant les cieux,
Cet amour absolu prôné par tous les Dieux,
De petits grains d’espoir perdus dans les jours sombres…
La rose et le lilas périssent à nos portes,
À l’ombre des tilleuls je n’irai plus m’asseoir.
Le cœur au bout des doigts, dans la douceur du soir,
Je partirai prier, au bal des feuilles mortes…

Philippe Lemoine – poète français

 
Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :

L’auteur de ce poème nous a habitués à exceller dans deux genres généralement incompatibles : le genre engagé et le genre lyrique. Nous disons « incompatibles » parce que, sous le régime de Staline en Russie ,le théoricien Andrei Jdanov (1896 – 1948) responsable de la politique culturelle dans ce pays avait, dans sa fameuse théorie du réalisme socialiste, imposé aux artistes et aux écrivains d’illustrer dans leurs œuvres la lutte de classe et de décrire les aspirations du prolétariat à une vie meilleure, tout en leur interdisant d’exprimer leurs préoccupations affectives jugées liées au mode de vie aristocrate ou bourgeois.
Etant rompu à manier séparément ces deux genres d’écriture poétique, le poète s’est trouvé dans ce poème, le dernier qu’il a écrit, enclin à les utiliser dans un même texte, du fait que le contexte s’y prête : le premier dans les onze premiers vers où il a mis en exergue, par le biais de l’hyperbole, la barbarie, l’horreur et l’ignominie du terrorisme et le second dans le reste du poème où il a donné libre cours à ses ressentis devant les crimes ignobles perpétrés par ces hordes d’inhumains. Et c’est dans cette deuxième partie que se situe, à notre avis , le point le plus fort du texte car c’est là où nous admirons cette grande capacité à faire découvrir au lecteur l’état d’âme du locuteur oscillant entre désespoir total (Sur ma joue, une larme aiguise son rasoir,/ J’arpente les pavés mouillés du désespoir/ Où s’abîme âprement l’horizon périssable… ) et un brin minime d’espoir (De petits grains d’espoir perdus dans les jours sombres), une attitude qui résume l’état de perplexité et d’impuissance de l’humanité entière devant ce fléau qui menace, à tout moment et en tout lieu, n’importe quel humain sur notre planète.
Un poème d’actualité et profond, alliant qualité esthétique et communicabilité, s’adressant, en même temps, au cœur et à l’esprit tout en donnant satisfaction au goût esthétique.

Répondre

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

*